Congrès mondial de l’UICN : appels en force à sauver la nature et le climat
Marseille, France, 4 septembre 2021- La plus grande organisation non gouvernementale de protection de la nature, l’UICN, a ouvert son Congrès mondial sur des appels à s’attaquer de front aux crises de la biodiversité et du changement climatique pour sauver l’avenir de l’Homme sur la planète.
Jusqu’à un million d’espèces animales et végétales sont menacées de disparition et la nature décline plus vite que jamais dans l’histoire humaine. Un déclin qualifié de sixième extinction de masse qui met en péril les conditions même de l’existence humaine sur Terre. Comme le montre également la multiplication de catastrophes liées aux effets du changement climatique, lui aussi causé par l’activité des hommes, tempêtes, inondations, sécheresses, incendies…
Pour les militants de la puissante UICN – Union internationale pour la conservation de la nature – l’objectif de cette nouvelle rencontre est de donner un élan positif au processus de négociations, d’autant que la communauté internationale n’a pas respecté les objectifs qu’elle s’était elle-même fixés pour la décennie écoulée 2010/20.
Ancrage dans le vivant
“Il faut nous doter des instruments nécessaires pour un avenir durable (…) Nous savons à quel point la situation est complexe, les problèmes sont liés entre eux”, a insisté dans un message vidéo lors de la cérémonie d’ouverture, Zhang Xinsheng, le responsable chinois* de l’UICN.
Evoquant la COP26 sur le climat en novembre à Glasgow, le président français a de son côté insisté sur “l’urgence de resynchroniser ces deux agendas, (…) de faire comprendre à tous que la bataille pour le climat et contre le dérèglement climatique est jumelle de la bataille pour préserver et restaurer la biodiversité. Et que l’une et l’autre se nourrissent”. Emmanuel Macron a, d’ailleurs, annoncé la tenue en France d’un “One ocean summit” fin 2021 début 2022.
L’état des océans affectés par le réchauffement climatique et par la pollution, notamment plastique, est un des sujets importants du congrès. Ils sont, en effet, un des principaux puits de carbone naturels de la planète, avec les grandes forêts vierges.
Samedi, l’UICN devait dévoiler la mise à jour de sa célèbre liste rouge des espèces menacées, baromètre de la destruction de notre environnement qui pour la première fois est accompagnée d’une liste verte, recensant les succès en matière de conservation.
D’ici sa clôture le 11 semptembre, le congrès doit voter une série de motions, notamment une déclaration finale qui devrait porter sur la place de la nature dans les plans de relance économique post-Covid. Les conséquences de la destruction de la nature sur la santé humaine seront aussi évoquées, nombre d’experts redoutant une multiplication de tels virus, venus du monde animal.
Les délégués évoqueront également un plan d’action mondial pour les espèces. Les solutions fondées sur la nature pour lutter contre le réchauffement climatique ou ses effets seront à l’ordre du jour, ainsi que la question épineuse des financements.
Nouveauté de cette édition, les organisations des peuples autochtones, dont le rôle est de plus en plus reconnu pour protéger la nature, pourront voter.
“Nos vies sont en jeu, mes frères, et c’est pourquoi je voudrais que les promesses soient tenues”, a lancé José Gregorio Diaz Mirabal, de la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien.
Comme en écho, l’acteur américain Harrison Ford, très engagé pour la préservation de la nature, a lancé un message plein d’émotion en clôturant la cérémonie. “C’est dur de lire les grands titres – inondations! incendies! famines! épidémies! – et de dire à ses enfants que tout va bien. Ca ne va pas! Nom de Dieu, ça ne va pas! C’est normal de ressentir de la frustration, de l’angoisse, de la peine. Mais ne vous enfuyez pas. Réclamez justice. Justice pour Mère nature!”
La Chine doit accueillir en avril 2022 la COP15 sur la biodiversité, où devrait être adopté un texte visant à vivre en harmonie avec la nature à l’horizon 2050, avec des objectifs intermédiaires pour 2030.
De plus en plus d’espèces étudiées menacées
Près de 30% des espèces étudiées dans la Liste rouge de l’UICN sont menacées, selon la mise à jour de ce véritable baromètre du vivant publiée samedi. Au total, l’organisation a étudié 138.374 espèces, dont 28% sont classées dans les différentes catégories menacées.
Parmi les espèces emblématiques, les dragons de Komodo, plus grand lézard au monde, ont vu leur statut passer de “vulnérable”, plus basse des catégories menacées, à “en danger”. En raison du changement climatique, la hausse des températures et donc du niveau de la mer devrait réduire leur habitat d’au moins 30% dans les 45 prochaines années. Et les individus vivant hors du parc naturel qui couvre une partie des îles en Indonésie où ils sont présents, voient en outre leur habitat menacé par l’activité humaine.
Autres victimes des hommes, les requins et raies (qui font partie de la même famille), dont une réévaluation globale de la situation a montré que 37% sont désormais dans les catégories menacées, contre 24% en 2014. Toutes les espèces ainsi classées font face à la surpêche, 31% à la dégradation ou la perte d’habitat et 10% à des conséquences du changement climatique.
A contrario, l’UICN se félicite de voir quatre espèces de thon pêchées commercialement en voie de récupération grâce à la mise en œuvre de quotas régionaux, élaborés par des organisations spécifiques.