COP 15: quels sont les enjeux de la Conference?
En 2018, la COP14 avait permis d’avancer sur les engagements volontaires des Etats en matière de protection de la biodiversité, et avait mis l’accent sur la nécessité de coordonner l’action sur la biodiversité à celles menées sur le climat ou la lutte contre la désertification et la déforestation. Elle avait aussi mis en débat la question du rôle des communautés locales, notamment indigènes, dans la protection des écosystèmes.
Cette année, quatre enjeux seront particulièrement importants.
- La définition d’objectif de protection plus ambitieux, autour du programme 30/30
Les objectifs d’Aichi prévoyaient la mise en place d’aires protégées sur 17% des terres et 10% des zones marines. Les textes discutés à Genève fixent un objectif plus ambitieux : 30% sur terre et sur mer. C’est l’idée du programme 30/30 : 30% d’aires protégées en 2030. L’enjeu est crucial puisque les données scientifiques, notamment émanant de l’IPBES, confirment que la mise en place de zones protégées, gérées durablement, exemptes de perturbations humaines, est l’un des leviers les plus efficaces pour préserver écosystèmes et biodiversité.
Les études récentes plaident même pour des chiffres encore plus élevés, et estiment qu’il faudrait viser autour de 50% de la planète en aire protégée pour agir vraiment face à l’érosion de la biodiversité et la crise des écosystèmes. Seulement, ces zones ne doivent pas être choisies au hasard, et elles doivent correspondre à des éco-régions riches en biodiversité ou critiques du point de vue écosystémique. De plus, ces régions ne sont pas réparties de façon homogène sur la planète, et l’effort de protection devrait alors peser plus fortement sur certains Etats. Le Costa-Rica pourrait être amené à protéger plus de 70% de son territoire, le Brésil plus de 50%… La Russie, le Canada, l’Australie, la Chine et les Etats-Unis feraient partie des pays amenés à faire le plus d’efforts de protection.
Arriver à un accord ambitieux sur ce sujet sera certainement complexe, car la protection des zones naturelles entre souvent en contradiction avec les projets d’exploitation de ressources (forestières, minières, agricoles, marines…) qui sont souvent une priorité économique pour ces Etats. Si de nombreux pays affichent de bonnes intentions sur ce sujet, les négociations risquent dans les faits d’être difficiles, et il faudra bien définir ce que l’on entend par aire protégée.
- La mise en place d’un plan de financement international de protection de la biodiversité
Comme en matière climatique, le financement est un enjeu essentiel de la lutte contre la crise de la biodiversité, et une question qui fracture pays riches et pays pauvres. En effet, la plupart des zones naturelles riches en biodiversité (que l’on appelle parfois des hotspots) sont situées dans des pays pauvres ou des pays en développement, alors que la plupart des pays riches ont déjà très largement dégradé leur biodiversité et leurs écosystèmes locaux. Conformément au principe de responsabilité commune mais différenciée, les pays riches devraient en théorie contribuer financièrement aux efforts de protection dans les pays pauvres. Il faudrait donc créer un fond, et l’alimenter, pour financer les projets de conservation, de restauration, ou de transition.
Un groupe de pays réunissant des nations africaines, sud-américaines et asiatiques pousse pour l’adoption d’un fond spécifique, alimenté à hauteur de 100 milliards par an, et jusqu’à 700 milliards en 2030. Mais qui acceptera de payer ? À quoi serviront les fonds ? Avec quel type de contrôles ? Toutes ces questions doivent être formalisées dans le futur accord.
- La question de la fin des subventions aux produits nocifs pour la biodiversité
Autre enjeu fondamental : les subventions aux produits nocifs. Aujourd’hui, la plupart des pays du monde continuent de subventionner des produits ou des modèles de production qui dégradent la biodiversité et les écosystèmes : énergies fossiles, pesticides et certains modèles agricoles, par exemple. Les pré-discussions menées à Genève appelaient à réduire de 500 milliards par an ces subventions au niveau international. Le monde associatif, lui, préconise l’arrêt des subventions pour ces produits.
Là encore, pas simple de parvenir à un consensus, dans la mesure où les politiques intérieures dépendent bien souvent de ces subventions. On pourrait aussi mentionner les massives subventions perçues par les industries des énergies fossiles, qui continuent malgré la crise climatique.
- La question de l’encadrement de l’Information sur les Séquences Numériques (ISN), c’est-à-dire l’accès aux ressources génétiques de la biodiversité
Enfin, la question des ISN fera certainement débat à la COP15. L’Information sur les Séquences Numériques, terme technique pour un sujet qui l’est tout autant, désigne les questions relatives au séquençage ADN du vivant, et sur son possible encadrement.
Qui peut séquencer (et breveter ?) des ressources génétiques issues de la biodiversité mondiale ? Dans quelles conditions doit-on ouvrir l’accès à ces ressources essentielles ? Comment redistribuer les profits générés par les industries qui reposent sur ces séquencages ? Derrière sur ce sujet, il y a la question plus large de la marchandisation du vivant et de la privatisation des ressources biologiques. Les accords qui seront trouvés à Montréal pourraient servir de base à la constitution d’un corpus de régulation sur ce sujet… Une question fondamentale pour l’avenir.
D’autres sujets comme la sensibilisation, le rôle des populations indigènes ou des minorités dans la protection de la biodiversité ou la mesure d’impact sur la biodiversité seront très certainement discutés. En tout état de cause, cette COP s’annonce comme un sommet charnière. À quelques jours de son lancement, difficile de dire si elle aboutira à un succès similaire à celui de l’Accord de Paris, ou si elle aura le même destin que la COP15 sur le climat, qui s’était tenue en 2009 à Copenhague, et est restée dans les mémoires comme l’une des plus grandes déceptions des négociations internationales sur l’environnement.