COP15 : Vers un renforcement des liens entre les peuples autochtones des pays du Nord et ceux des pays du Sud
La situation des peuples autochtones à travers le monde reste préoccupante. Malgré quelques avancées enregistrées par certains Etats, les similitudes et la complexité des menaces sur leurs terres et leur vie exigent des synergies susceptibles d’apporter des changements. Pour discuter de toutes ces questions, un dialogue sur le leadership autochtones et communautaire en matière de conservation a été organisé à Montréal, ce mardi 06 décembre, bien avant le lancement des travaux de la COP15 sur la biodiversité.
« Les organisations des peuples autochtones et communautés locales à travers le monde rencontrent les mêmes défis de conservation. Il est temps qu’on puisse parler de la solidarité entre ces groupes. C’est la raison pour laquelle on a créé ce dialogue pour voir quelles sont les actions qu’ils peuvent prendre ensemble, et quel type de solidarité ils peuvent créer pour faire face aux crises de changement climatique et de la biodiversité », a indiqué Solange Bandiaky Badji, coordonnatrice de RRI.
Ce dialogue organisé par la RRI (Right and Ressources Initiative), le Partenariat pour la conservation par la réconciliation et le Consortium APAC a réuni les délégués venus de l’Afrique, de l’Asie, de l’Amérique du nord, et l’Amérique Latine. Ils ont discuté des défis et des opportunités pour le leadership autochtone et communautaire et des approches fondées sur les droits pour faire face aux crises interdépendantes de la biodiversité et du climat, et des voies pour un cadre mondial de la biodiversité post-2020 plus juste et équitable.
« Le rôle que jouent les communautés dans la conservation de la biodiversité n’est pas correctement reconnu, ni protégé par les gouvernements. Pour atteindre les objectifs 30×30, nous devons décoloniser la conservation et tirer parti de la diversité culturelle des communautés locales et peuples autochtones pour élaborer des nouveaux modèles de conservation basés sur les droits et qui placent les communautés au centre de la nature », a indiqué Patrick Kipalu, directeur du Programme Afrique de RRI.
« 30×30 », quel avenir pour les communautés ?
Au cours de ce sommet mondial sur la biodiversité, les Etats doivent valider et adopter le Cadre mondial de la biodiversité post 2020. L’un des objectifs de ce cadre mondial est la conversion de 30% de la planète en zones protégées d’ici à 2030. Mais, cela risque d’amplifier les conflits des terres, et les violations des droits des communautés locales et des peuples autochtones.
« Nous avons beaucoup d’inquiétudes sur le cadre mondial de la biodiversité post 2020, car on pourrait voir nos terres être transformées pour la conservation avec toutes les conséquences qui vont suivre », a indiqué Paul Sein Twa, autochtone de Birmanie/Myanmar.
Bien que le « 30×30 » prévoit des outils de sa mise en œuvre, la crainte des communautés locales et des peuples autochtones reste tout de même légitime. Car, à travers le monde, très peu de pays disposent d’un cadre légal capable d’encadrer cette réforme au niveau national.
Pour Alain Frechette, Directeur en charge d’Analyse stratégique et engagement mondial de RRI, il est important de mettre en place de mécanismes de financements adaptés aux besoins et aux réalités des communautés. Mais aussi, des mesures de renforcement des capacités pour réaliser des objectifs de conservation dirigés par les communautés.
« Il faut une volonté politique de reconnaître le droit d’auto-détermination des communautés et des droits fonciers robustes. Il faut aussi un appui légal et indépendant pour permettre aux communautés de prendre des décisions libres et préalablement éclairées », a-t-il précisé.
80 % de la biodiversité du monde est protégé par les indigènes
Durant les 50 dernières années, près de 68% de la biodiversité terrestre s’est effondrée. Cette situation est consécutive à la manière colonialiste de leur gestion. Des lois coloniales imposées aux communautés, l’influence des multinationales et la ruée vers le développement économique non durable des Etats, n’ont pas favorisé l’harmonie entre l’Homme et la nature.
« Au-delà du fait que 80% de la biodiversité soit protégée par les PA, ils ont des problèmes dans la conservation, car leurs droits ne sont pas respectés. En RDC les PA ont été victimes des expropriations. Cette situation est pareille dans le monde entier. Et pourtant cela se fait au nom de la conservation », a rappelé Aquillas Koko Ngomo, directeur de communication de l’ANAPAC-RDC.
Durant plusieurs décennies, les financements censés aider les communautés locales et peuples autochtones à conserver davantage n’ont servi à autre chose qu’à la conservation, ont déploré les participants à ce dialogue.
« Il y a beaucoup de financements pour la conservation, ils vont où ? Les vrais bénéficiaires sont mis de côté. Nous devons exiger la redevabilité. Les financements doivent aller directement aux peuples autochtones, aux communautés locales et aux femmes. Car, ils sont les gardiens de la biodiversité. La COP15 devrait pousser la conservation. On doit identifier les actions concrètes et aller de l’avant », a déclaré Cécile Ndjebet, du Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire (REFACOF).
A l’issue de ce dialogue, les participants ont convenu de renforcer leurs liens, mutualiser les efforts afin de peser dans les négociations actuelles et futures. Des rencontres similaires seront organisées pour renforcer leur solidarité et partager leurs expériences.
Depuis Montréal, Alfredo Prince NTUMBA